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PRINTEMPS DES POETES DES AFRIQUES ET D'AILLEURS
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2 juin 2012

interview avec Thierry Sinda, concepteur éditorial de la revue littéraire du monde noir dont le numéro 2 vient de paraître

Interview  avec Thierry Sinda, concepteur éditorial de la revue littéraire du monde noir dont numéro 2 vient de paraître

Thierry Sinda à Los Angeles

 

En octobre 2011 a paru le premier numéro de La revue littéraire du monde noir co-fondée par Michel de Breteuil et Thierry Sinda. Cette revue de bonne facture dédiée à la littérature de l’Afrique et de sa diaspora a été très bien accueillie tant par les écrivains que par les universitaires et le grand public francophone. Sept mois après le premier numéro, le deuxième numéro de La revue littéraire du monde noir vient de paraître. A cette occasion nous avons rencontré Thierry Sinda afin de  revenir sur le contexte de création de la revue tout en essayant de mieux comprendre les recettes  qui en ont  fait le succès.

 

Comment est venue l’idée de la création de La revue littéraire du monde noir ?

Thierry Sinda : L’initiative vient de M. Michel de Breteuil avec lequel je collabore depuis plus de deux décennies à travers tout d’ abord Bingo, puis surtout Amina, où j’ai initié la critique de cinéma qui    n’ existait pas dans ce magazine  auparavant. A cette époque, j’avais créé la revue La feuille, revue semestrielle panafricaine de cinéma qui demeure jusqu’ à ce jour la seule revue de cinéma panafricain basée sur la critique de film. On la retrouve encore dans de nombreuses bibliothèques   d’Europe, d’Amérique et d’Afrique. A cette même époque toujours, je préparais une thèse de lettres que j’ai soutenue après environ 10 ans de dur labeur intermittent, dirai-je. A suivi la publication d’un drame poétique : Voyage en Afrique à la recherche de mon moi enivré (Editions Atlantica –Séguier 2003), et dans la foulée la mise en place du Printemps des Poètes des Afriques et d’ Ailleurs (lequel permit aux poètes contemporains africains, antillais et malgaches de «  se connaitre entre eux et de se faire connaître auprès de ceux qui sont fiers de porter la bannière de la langue française » comme le dit le premier parrain du festival : Jacques Rabémananjara). Toutes ces activités, qui ont d’ ailleurs été bien soutenues par M. Michel de Breteuil via le magazine Amina, faisaient que j’étais la personne ressources pour élaborer la conception éditoriale d’une revue de littérature dédiée à la littérature négro-africaine. C’est ainsi que M. Michel de Breteuil  m’a convoqué et m’a demandé avec l’humour qui le caractérise : de remuer un peu  « mon ciboulot de Congolo » afin de trouver une ligne éditoriale au projet de revue littéraire qu’il nourrissait.

 

Quel est le concept de La revue littéraire du monde noir que vous avez forgé ?

Thierry Sinda : Premièrement j’ai balayé d’un revers de main tous les titres avec le mot «  black » que M. de Breteuil   m’a présentés. En tant qu’initiateur de la néo-négritude, qui est une école poétique des bords de Seine dans la lignée du mouvement poétique de la  négritude, j’ai trouvé le titre la revue littéraire du monde noir, lequel est dans la lignée de La revue du monde noir  fondée dans les années 30 à Paris par les sœurs martiniquaises Nardal (je fais d’ ailleurs allusion à leur revue dans mon article sur Senghor dans le premier numéro). La revue littéraire du monde noir ne doit donc pas être  n’ importe quoi, c’est un lourd héritage qui nous vient des années 30, qui nous vient de ce plus-que- précieux mouvement de la négritude auquel j’ai consacré une thèse de doctorat. Sur l’hommage aux anciens et sur la découverte des jeunes auteurs, nous avons été, Michel de Breteuil et moi, en communion parfaite. Il faut dire qu’il a 85 ans, et que par conséquent il a assisté à la naissance de la littérature africaine en langue française. En revanche, il a fallu le  convaincre de faire la part belle à la critique. Si vous prenez les magazines que M. de Breteuil a fondés, que ce soit  Amina ou black men avec Renée Mendy (lequel magazine n’a guère fait long feu), il a toujours fait la part belle à                  l’interview. Cela peut se comprendre : en tant qu’homme français il veut donner la parole aux femmes noires, et l’interview permet cet effet. En ce qui me concerne, venant du monde universitaire, je suis davantage dans l’analyse et le point de vue, lequel s’affirme dans les critiques et dans les hommages que l’on rend aux auteurs classiques, et  dans les clins d’ œil que l’on fait aux jeunes auteurs. A ce sujet, M. de Breteuil m’a tout de suite  dit qu’il ne fallait pas dire qu’un livre est mauvais, mais plus faire de l’information, et ne pas parler des livres que l’on n’aime pas. Sachant comment il fonctionne depuis de nombreuses années (il pourrait dire la même chose de moi), j’ai acquiescé, et j’ai tout de même mis l’accent sur la critique et l’analyse ; et il m’a laissé faire. Je me souviens, que lorsque dans les années 90, je lui avais présenté mes premières critiques de cinéma pour le magazine Amina, il ne voyait pas l’intérêt, et il les percevait comme un argumentaire commercial faisant gratuitement la promotion de films. Puis il a tout de suite pris la mesure de l’expression d’un point de vue sur une œuvre cinématographique.

 COUVE 1

Le point de vue de la  conception éditoriale de La revue littéraire du monde noir , faisant que la critique et l’analyse prennent le pas sur l’information et l’interview , demande des voix autorisées .Comment avez-vous procédé pour répondre a cette donnée fondamentale ?

Thierry Sinda : Effectivement, on ne peut porter un jugement sur une œuvre littéraire ou sur le parcours d’un auteur que si l’on est formé sur le plan littéraire. C’ est ainsi qu’ il m’ a fallu associé à ce projet mes amis et compagnons universitaires : Mansour Dramé (docteur en littérature et auteur de plusieurs livres), Dominique Ranaivoson (Maître de conférences en lettres, spécialiste de l’ Océan Indien), Emmanuelle Recoing ( docteur en littérature et auteurs de plusieurs ouvrage sur la littérature antillaise) et Pierre Lerroux(doctorant en lettres et sciences humaines).Ces signataires sont à mon sens les piliers de La revue littéraire du monde noir, grâce à leur savoir sur la question. A côté de ces spécialistes auxquels il est demandé de faire des textes novateurs mais accessibles au plus grand nombre, s’associent des écrivains, essentiellement poétesse : Marie France Danaho, Annie- Monia Kakou, Nana Espérance Isungu...la particularité de ces auteurs vient du fait qu’elles sont sensibles, qu’elles ont un point de vue personnel  sur un texte, et après on a fait de l’atelier d’écriture de critique littéraire, et le résultat est plutôt convainquant ! En ce qui concerne les universitaires, il faut toujours bien leur faire comprendre que c’ est une revue de haute tenue mais qu’ il faut  néanmoins qu’ ils laissent leur jargon littéraire au vestiaire. Etant universitaire et journaliste depuis 22 ans, j’ai été a même de trouver le bon ton avec en ligne de mire le souci permanent de l’originalité du rédacteur. Faire un article de fond pour moi ce n’est intéressant que si le rédacteur exprime son propre point de vue. Il faut donc éviter autant que faire se peut : les redites, le réchauffé, le prêt-à-penser.

 

 

 

Est-ce le mélange de genres entre le journalisme et le monde universitaire qui a fait le succès international du premier numéro de La revue littéraire du monde noir qui a paru en octobre 2011 ?

Thierry Sinda : En effet, grâce à ce que je vous ai expliqué auparavant on a eu une revue originale de très bonne facture et avec une superbe maquette signée Hervé Ollitraut-Bernard, lequel, sous les consignes de M. Michel de Breteuil, a épousé le style de la revue illustrée que l’on appelle de nos jours : magazine. C’est donc un produit métissé avec un très bon dosage à mi-chemin entre le magazine et la revue universitaire. Le succès vient du fait aussi que La revue littéraire du monde noir est une revue de grand tirage qui est distribuée à travers le monde comme tous les autres magazines de grand tirage. M. Michel de Breteuil, qui est un patron de presse comme le fut son père Charles de Breteuil (fondateur entre autres de Bingo), a fait distribuer ce produit comme il se doit ! A côté de cela, pour que le premier numéro bénéficie d’un bon lancement, j’ai contacté mes amis et collègues journalistes (en France avec RFI et Africa N°1, en Belgique, en Italie, au Burkina, au Gabon, au Sénégal, à Madagascar et même en Algérie) et ils ont fait état à leur manière de notre nouvelle publication. Là encore, c’est une histoire de collaboration, d’alliance de forces ! Il faut dire que le très entreprenant M. de Breteuil  (qui prépare une revue sur l’art et qui voudrait faire une revue sur le cinéma africain) est âgé, et n’est plus le gérant du magazine Amina, lequel est dorénavant géré de manière autonome par Nicolas et Nathalie de Breteuil. C’est la troisième génération de de Breteuil dans la presse panafricaine.

 

Etant donné le succès du lancement  international de La revue littéraire du monde noir-que l’on peut effectivement constater  sur internet- comment se fait-il qu’entre le premier et le deuxième numéro il se soit écoulé pratiquement 7 mois pour une revue qui se voulait mensuelle ?

Thierry Sinda : Lorsque vous considérez les revues littéraires (sauf peut-être la revue lire de Bernard Pivot), vous constaterez qu’elles ne bénéficient pas d’énormément d’annonceurs publicitaires et qu’elles sont difficilement autonomes financièrement. Beaucoup sont arrimées à un groupe de presse. C’est ce qu’avait voulu faire M. Michel de Breteuil, mais comme je vous l’ai expliqué, il n’a plus les mains libres à Amina. Il a donc démarché avec Valérie Lanctuit auprès d’annonceurs du secteur privé. Très vite M. de Breteuil a compris qu’ il fallait se tourner vers le secteur institutionnel national (du type ministère de la culture des pays africains) ou international ( du type UNESCO, OIF…).C’ est ainsi qu’ il a pris langue avec les autorités culturelles congolaises qui depuis trois ans attachent un intérêt considérable au livre en affichant de manière gigantesque leur présence au salon du livre de Paris(cette année , le stand était de 280 m2 , il y a eu une cinquantaine d’ événements,  il a eu une centaine de participants venant de toute l’ Afrique).Là, encore, vous avez eu une collaboration intelligente entre le Congo, organisateur du Stand du bassin du Congo, et La revue littéraire du monde noir. Notre savoir faire leur permettait d’avoir la juste visibilité internationale qui leur manquait,  et en contrepartie ils ont été les annonceurs institutionnels de la revue. Le marché a été conclu dans la précipitation (personnellement j’étais pris part la programmation et l’organisation du 9e Printemps des Poètes des Afriques et d’ Ailleurs), et de toute évidence, il manque un article panoramique sur la littérature congolaise dont la colonne vertébrale est constituée par le trio : Jean Malonga, Martial Sinda et Tchicaya U Tam’si. Dans les dossiers par pays, que la revue sera amenée à faire, j’espère que ma remarque, dont vous avez la primeur, sera prise en compte. La revue littéraire du monde noir encore une fois ce n’est pas n’ importe quoi. C’est un lourd héritage ! C’est notre héritage à nous autres jeunes noirs  de Paris et d’ ailleurs !

 couv 2

 

La revue littéraire du monde noir aura maintenant une parution trimestrielle. Pouvez-vous nous dire ce qu’il y aura dans le numéro d’automne de votre magazine?

Thierry Sinda : M. Michel de Breteuil voulait en faire une publication mensuelle, il vient de la grande presse, c’est donc tout à fait normal ; mais personnellement, j’ai toujours  opté pour une publication trimestrielle étant donné la charge de travail et l’équipe de collaborateurs pour l’ instant réduite. Au niveau de la rédaction, il faut au moins deux ou trois collaborateurs permanents et des collaborateurs extérieurs. Faire de la recherche en littérature n’est pas une mince affaire, il faut que les permanents soit justement rémunérés, surtout lorsqu’ il y a de l’argent qui rentre. C’est là encore un combat à mener ! Concernant le contenu du n° 3, il est encore prématuré pour vous le donner dans le détail, néanmoins, j’ai déjà rédigé un article de fond sur René Maran, le père de la littérature négro-africaine de langue française, celui-ci devrait passer en deux volets.

 

Vous parlez de «  combat » pour la rémunération des permanents et des pigistes ayant collaboré aux deux numéros  de La revue littéraire du monde noir. Pouvez-vous être plus explicite ?

Thierry Sinda : Sachez que la vie est combat sans fin, et que l’on fait chaque chose en son temps. Pour pouvoir mettre sur pied les numéros 1 et 2 de La revue littéraire du monde noir, j’ai convaincu   l’équipe que j’ai formée d’attendre la publication des deux premiers numéros avant d’avoir leurs piges. Moi –même, qui suis membre co-fondateur et concepteur éditorial de la revue littéraire du monde noir, je suis au même régime. Maintenant que tout est rentré dans l’ordre, la moindre des choses est que chacun soit payé en fonction de son travail ou en fonction  de ce qu’il a conclu. Tout cela est en cours, c’est la raison pour laquelle j’ai parlé de «  combat »

                                                      Propos recueillis  par Ariane Aron

                          le 26 mai 2012 pour le compte de www.sphere-web-infos.com

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